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Les secrets du plans de Saint Etienne

Les bâtisseurs du Moyen Âge. Organisation et règles

Qui étaient les constructeurs de cette église au Moyen Âge ? La beauté et la qualité de la construction de l’édifice a fait dire à Viollet-le-Duc :

“...Les proportions des différentes parties du clocher de Vernouillet sont étudiées par un véritable artiste et contrastent avec les étages divisés en zones égales des clochers de l'Est, avec les couronnements écrasés de ceux des provinces de l'Ouest....On reconnaît là, enfin l'oeuvre d’artistes consommés, de constructeurs savants et habiles. Un clocher de cette époque, bâti sur la croisée d'une cathédrale, et suivant ces données si heureuses devrait être un monument de la plus grande beauté ; malheureusement, nous n’en possédons pas un seul en France..".[1]

La grande qualité de conception et de réalisation n’est pas seulement visible au clocher, mais apparaît dans toutes les parties de l’édifice. Aussi, dans l’étude entreprise pour retrouver les règles qui ont été appliquées lors de la construction de l'église, nous avons recherché les règles utilisées par les bâtisseurs des grandes cathédrales, et plus particulièrement à la basilique de Saint-Denis, à Notre-Dame de Chartres et à Notre-Dame de Paris. En effet, Vernouillet était à la fois dans le diocèse de Chartres et un fief de l’Abbaye de Saint-Magloire de Paris, lui-même dans le Domaine Royal. Ce sont là que se trouvaient les “artistes consommés” dont parle Viollet-le-Duc. Le chantier de Vernouillet était trop modeste pour mobiliser un maître d’oeuvre et une multitude d'équipes de compagnons de divers corps de métier. Mais il est très probable que les équipes de compagnons qui se sont succédés à Vernouillet avaient travaillé sur un ou plusieurs grands chantiers où ils ont acquis le haut niveau de maîtrise de leur métier.

L’organisation des compagnons:

Il existe de nombreux ouvrages traitant de l’organisation des métiers au Moyen Âge et des règles calquées sur celles des ordres religieux. Ils étaient regroupés en équipes dirigées par un maître. Les équipes étaient elles-mêmes regroupées en confréries. Ces confréries étaient très organisées et soumises à des règles d’éthique et de bonne conduite très rigoureuses. Un jeune garçon désirant embrasser la carrière de bâtisseur n'était accepté comme apprenti qu'après un examen sévère et souvent sur recommandation. Il devait le jour de sa réception définitive prêter serment sur les Evangiles et s'engager à " bien servir Dieu, bien faire son métier et ne pas révéler à des profanes les secrets qu'il aurait été amené à connaître. Le serment se terminait par la phrase " et que Dieu me vienne en aide". La plupart étaient les fils de compagnons qui les avaient, dès l’enfance, préparés à leur futur métier. Nous ne reprendrons pas ici toutes les règles décrites par ailleurs mais retiendrons que ces compagnons avaient une conception très élitiste de leur métier. La religion, omniprésente dans la vie quotidienne des gens de cette époque, leur inspirait des règles strictes. Ils considéraient que c’était Dieu qui construisait l’édifice à travers leurs mains. Ainsi, un travail mal fait était perçu comme une offense à Dieu.

Dans le "Regius"(1390), charte la plus ancienne des bâtisseurs qui nous soit parvenue il est précisé que les serfs ne pouvaient accéder au métier et que "..Tout maçon doit être bien né, pour recevoir, à ce qu'il semble, les secrets qui lui sont donnés.." Les différents articles définissent les règles de bonne conduite, d'éthique et d'organisation des loges. La charte se termine sur ces mots

"Que Christ vous tienne en bonne garde,

qu'il vous apporte son secours pour lire ici ce qu'il ordonne

et vous ouvre le paradis.

Fasse qu'esprit et temps vous donne.

Amen, amen ! Qu'ainsi soit dit"[2].

            L’abbé Suger, à l’origine de la  reconstruction de la Basilique de Saint-Denis de 1140 à 1144, écrit:

" ...Et qui aussi, nous autres, nous apprenons à nous édifier   spirituellement pour devenir les habitacles du Seigneur, et ceci d’autant plus que nous voulons lui construire une demeure matérielle plus élevée et plus digne...” [3]. D'une certaine manière, les bâtisseurs vivaient leur foi à travers leur métier.

Les règles:

Le nombre ordonnera l'esprit, l'idée

La géométrie exprimera l'âme, la substance

L'architecture ordonnera le corps, la forme

(Michel Zehnacker)[4].

            Les règles appliquées pour bâtir une église à cette époque sont en relation étroite avec la symbolique religieuse dont les origines sont antérieures à la Chrétienté.

Règle 1: L' orientation

            D'une manière générale l'église doit être bien “orientée“ c.à.d. que la lumière du soleil levant doit pénétrer dans l’église par le choeur. Cette règle était déjà appliquée pour les temples païens à l’époque romaine. Vitruve écrit à ce sujet: “Les Temples des Dieux doivent estre tournez de telle sorte que, pourveu qu'il n'y ait rien qui l'empêche, l’image qui est dans  le Temple regarde vers le couchant, afin que  ceux qui iront sacrifier, soient tournez vers l'Orient & vers l'image, & qu'ainsi en faisant leurs prières, ils voyent tout ensemble & le Temple & la partie du Ciel qui est au Levant  & que les statues semblent se lever avec le soleil pour regarder ceux qui prient dans les sacrifices : car il faut toujours que les autels soient tournez au Levant...” [5].

            Mais le lever du soleil change avec les saisons. A l'époque chrétienne, les bâtisseurs s’étaient imposés la règle de déterminer l’axe de l'église de manière à ce que le soleil se lève dans le plan de celui-ci, le jour du saint auquel l’église est dédicacée. Pour visualiser ce phénomène, les bâtisseurs romans perçaient deux fenêtres à la même hauteur dans l’axe de l’église, l’une au centre du chevet*, l’autre dans le mur de la façade occidentale. Le jour du saint, au lever du soleil, la fenêtre occidentale se trouve éclairée de l’intérieur par le faisceau lumineux traversant la fenêtre du chevet.

            A Vernouillet, la fenêtre de la façade ouest fait face à celle du chevet. Le phénomène devrait être observé le jour de la saint Etienne en appliquant les corrections nécessaires.

Mais quel saint Etienne ? Il y en a plusieurs.

            Saint Etienne ,  le premier martyr,  lapidé par les Juifs, se fête le 26 décembre,

            Saint Etienne, Pape de 254 à 257, martyr de la persécution de l'empereur Valérien en 260. Il aurait été décapité par les soldats de l’empereur alors qu'il célébrait la messe. Il est  fêté le 3 août.

            On peut aussi citer saint Etienne, Roi de Hongrie de 1000 à 1038 qui a favorisé l'évangélisation de son pays et saint Etienne HARDING, fondateur de l’ordre de Citeaux en 1109. Mais l'église de Vernouillet existait déjà bien avant leur naissance.

            Saint Etienne premier martyr est le plus populaire et le plus vénéré. La tradition voulait, au Moyen Âge, que la fête du village ait lieu le jour du saint. Le 26 décembre, lendemain de Noël n’était pas adapté. Mais déjà au Moyen Âge, il y avait une deuxième fête, celle de "l'Invention” des reliques de saint Etienne, le 4 août. Jacques de Voragine rapporte comment, suite à une apparition de Gemaïel à St Lucien, le corps de saint Etienne fut retrouvé à Jérusalem, transporté à Constantinople et enfin de Constantinople à Rome en 425. Il cite la Chronique du vénérable Bède[6] :

            "...Le corps de saint Etienne fut ainsi retrouvé le jour de cette fête pour deux raisons : la première, c’est qu'il convenait que la fête de celui qui avait le premier rendu, au prix de son sang, témoignage à Jésus Christ, suivît la fête de la nativité du Sauveur ; la seconde, parce que la fête de l'invention du corps de Saint-Etienne se célébrait avec plus de solennité que la fête du martyre ; et Dieu fit de très grands miracles au jour de cette fête. Et on la transporta  à un autre jour, afin que, célébrée à part, elle. obtint toute la solennité qui lui était due. .. "[7]

            A Vernouillet, la tradition rapporte que la fête annuelle du village, baptisée de la Saint-Etienne se tenait le premier dimanche d'août.

            Nous avons trouvé à ce sujet, dans les archives de la Paroisse, un document intéressant concernant saint Etienne et sa fête. Il s'agit d'une lettre datée du 31 juillet 1865 adressée à l’évêque de Versailles par le curé de la paroisse, le père Lamory :

" Monseigneur,

            Les habitants de ma paroisse désirant depuis longtemps avoir la messe de Saint-Etienne qui est le patron, pour le dimanche qui suit l'Invention du corps de ce Saint, je n'ai pas voulu prendre sur moi cette innovation sans consulter Sa  Grandeur. La fête de Saint-Etienne qui tombe le 26 décembre n’est pas célébrée avec pompe. Ils ne reconnaissent que la Saint-Etienne du 3 août.. je demande à Sa Grandeur si nous pourrions dimanche prochain et dans la suite chanter le Dimanche qui  suit l’Invention de Saint-Etienne la messe votive de notre Saint Patron. Les vêpres seraient à la fin du jour.

            J’ai l’honneur d’être, Monseigneur, tout dévoué dans le sacerdoce. " 

            Une mention manuscrite d'une autre écriture figure sur le document, probablement la réponse en retour :

     " M. le Curé pourra célébrer une messe votive.

Versailles le 2 août 1865

signé : Chauvet. " 

            Dans cette correspondance, seul saint Etienne premier martyr est évoqué.

            Si l'église de Vernouillet est bien orientée, le phénomène devrait s'observer le 3 ou le 4 août.

Si l’on tient  compte des éléments ci-après:

_ Décalage vers le sud de l’axe du choeur par rapport à celui de la nef,

_ Décalage entre le calendrier grégorien et le calendrier julien,

_ Décalage de la façade occidentale actuelle par rapport à la façade initiale,

            le 14 août, l’image de la fenêtre haute du choeur devrait s’inscrire dans la fenêtre de  la façade occidentale ce que nous avons observé (Fig. IV-1)

Au lever du soleil, le jour de la dédicace de l'église (4 août, fête de l'invention des reliques de saint Etienne), l'image de la fenêtre haute du chevet vient s'inscrire dans la fenêtre haute de la façade ouest.

Règle 2. Les unités de mesure et les proportions

La géométrie est la science maîtresse des bâtisseurs.

Dans la charte des bâtisseurs de "Regius" on peut lire :

"...Ainsi, des clercs de haut savoir

créa par la géométrie

de tous les métiers que l'on put voir

le plus beau : la Maçonnerie

Et le profès qui leur apprit

à respecter, puis connaître

de ce grand art du géomètre

la science et le noble esprit

était de tous le plus savant.

Son nom fameux était Euclide...."[8]

            Les mesures utilisées par les bâtisseurs de l’époque sont connues [9].

Ce sont:

La COUDÉE,            environ 53  c m

Le PIED,                  environ 33  c m

L'EMPAN,                environ 20  c m

La PALME,              environ 12,5 cm

La PAUME,              environ 7,7 cm, la plus petite unité de mesure utilisée en conception d'ouvrage.

            Les dimensions de ces unités de mesures sont directement liées au corps humain. Les bâtisseurs considéraient que si Dieu a créé l'homme à son image, c’est dans le corps humain qu'il faut chercher les proportions voulues par Dieu.

            La caractéristique remarquable de ces unités de mesure est le rapport existant entre elles : c’ est le NOMBRE D'OR (environ 1,618)[10]. Ce rapport était considéré dès l'Antiquité comme celui de la parfaite harmonie. Une des caractéristiques essentielles de ce rapport entre les unités est que chaque unité est égale à la somme des unités directement inférieures. Ainsi :

1 COUDÉE =          1 PIED + 1 EMPAN

1 PIED =                  1 EMPAN + 1 PALME

1 EMPAN =                         1 PALME + 1 PAUME

        Chacune de ces mesures était reportée sur  une règle de mesure utilisée pour la construction de l’édifice: la “canne du maître d’oeuvre“ (Fig. IV-2e). Nous étudierons plus loin comment  cette canne était utilisée.

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Règle 3 : La symbolique des nombres

            Les bâtisseurs concevaient l'ensemble du plan et de l'élévation de l'église à l'aide de tracés géométriques, sans recours au calcul. Ils n'utilisaient que des nombres entiers d'unités. Ces nombres n’étaient pas choisis au hasard mais devaient correspondre à une symbolique religieuse:

Les nombres symboliques généralement utilisés étaient:

2    symbole du couple, de la dualité du bien et du mal, de la Terre et du Ciel,

3  symbole de la Trinité, symbole du Ciel représenté également par un cercle

4    symbole de la Terre (les 4 points cardinaux) représentée également par un carré, les 4 Evangélistes...

5   symbole de l'étoile, les cinq doigts de la main. C’est le symbole de l'homme.

7     symbole des 7 jours de la semaine, des 7 péchés capitaux, les 7 sceaux de l'Apocalypse...7 c’est également  4+3, le Ciel et la Terre

8   symbole de l'équilibre cosmique. Le huitième jour, succédant aux six jours de la création et au sabbat est le symbole de la Résurrection, de la  Transfiguration et annonce l'ère future éternelle[11].

12       C’est un nombre symbolique fort: Multiplication du 3, le Ciel par le 4, la Terre. Il est utilisé comme nombre symbolique bien avant la Chrétienté Les 12 mois du calendrier, les 12 signes du zodiaque,  les 12 apôtres., les 12 heures.

            La spiritualité et l‘utilisation de nombres symboliques dans la géométrie des édifices est aussi mentionnée par Suger. Par exemple,  dans son traité sur la construction de l'abbaye de Saint Denis, il écrit[12]. : 

            " ... Au milieu  douze colonnes représentaient le nombre des Apôtres ; douze autres colonnes secondaires leur correspondaient, figurant les douze Prophètes..." .

Règle 4. Les règles de proportion appliquées à l'élévation

            Les bâtisseurs de cathédrales gothiques du Royaume de France traçaient l'élévation en prenant comme figure de base deux carrés superposés. Il s’agit de l' "Opus francigenum quadratum". A l'inverse les bâtisseurs allemands de l‘Empire traçaient l’élévation " ad trigonum ". Le triangle équilatéral était dans ce cas la figure de base. Georges Jouven écrit à ce sujet : " Si l’universelle forme initiale carrée garantie par ses racines bibliques, continua à régner en plan, les élévations des constructions réalisées par les Loges germaniques furent " hérétiquement" soumises à la géométrie triangulaire" [13]

            II n'y avait pas de frontière étanche entre les pays et nous savons que les bâtisseurs visitaient les chantiers des autres pays et connaissaient bien les règles appliquées. Le choix de la construction " ad quadratum"  ou "ad trigonum" suivant les endroits n'a suscité aucune polémique: on peut trouver dans chacune des deux méthodes une justification symbolique.

L’organisation du chantier

            A partir des règles énumérées ci-dessus le chantier était mis en route.

            Le parchemin étant une denrée très chère, seuls les bâtisseurs des grandes cathédrales établissaient des plans, qui la plupart du temps étaient grattés une fois le chantier terminé, et le parchemin réutilisé pour de nouveaux plans. Dans la construction des églises de village le tracé de l'édifice était fait directement  sur le terrain. 

            Pour cela, les bâtisseurs disposaient des outils suivants:

            La corde à 12 noeuds (Fig. IV-2) distants de 1 coudée. Cette corde permettait de tracer les angles droits : en portant 3 unités d’un côté, 4 de l'autre et en fermant le triangle, on obtient ainsi un triangle rectangle de côtés 3, 4 & 5, application pratique du théorème de Pythagore(Fig. IV-2). Elle servait aussi à tracer d’autres figures géométriques : le triangle équilatéral (3 côtés de 4 coudées), le triangle isocèle (2 côtés de 5 coudées et 1 de 2 coudées)  le carré (4 côtés de 3 coudées) le rectangle de 1X2 (2X 4 coudées), l'hexagone (6X2 coudées).

            La canne du maître d’oeuvre   Elle permettait de construire les “ rectangles d’or“, rectangles dont la longueur et la largeur sont dans le rapport du nombre d’or. Il suffisait de porter un certain nombre d'unités dans la longueur, et le même nombre de l’unité immédiatement  inférieure dans la largeur.

            Le compas permettait de reporter les mesures, principalement sur les pierres à tailler ou "pierres capables".

            Pour tracer les cercles sur le terrain, on avait recours à la corde que l’on fixait à un piquet à une extrémité.

            L'équerre servait surtout à vérifier la rectitude des faces des pierres.

            L'application des proportions découlant du nombre d’or avait pour conséquence l’apparition  de certains angles remarquables issus des tracés: 18°, 36°, 45°, 54°, 90° entre autres.

Avec la corde à 12 noeuds il est possible de tracer les angles de 36° et 54° avec une précision acceptable, en constituant le triangle rectangle 3, 4, 5.

La basilique de Saint-Denis avant 1836. La flèche du clocher nord culminait à 86 m.. Elle a été abattue en 1847. L'abbaye de Saint-Denis, fondation de Dagobert renferme les tombeaux de la plupart des rois de France. Elle possedait un fief à Vernouillet.

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Vue de la collegiale Notre-Dame-du-Fort à Etampes.L'abbaye Notre-Dame-du-Fort était une fondation royale. Son clocher est contemporain de celui de Vernouillet.

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Application des règles à l’église de Vernouillet.

Les compagnons

Les bâtisseurs de Vernouillet n’ont pas laissé leur nom à la postérité. Certes, il ne s’agissait que de construire une église de village, mais la rigueur et la qualité de la conception de l'ensemble montre, comme le dit Viollet-le-Duc qu’il s’agissait d’artistes consommés connaissant bien leur métier. L’étude de la géométrie met en évidence qu’à chaque étape les règles ont été appliquées avec rigueur et que la cohérence de l’ensemble a été préservée. La conception originale du clocher est innovante pour l’époque et s’inscrit dans la conception des grandes cathédrales gothiques. La comparaison de l’église de Vernouillet avec d’autre églises contemporaines situées dans le Domaine Royal (N.D. du Fort à Etampes, Saint-Denis, ancienne église de Corbeil, Mantes) révèle de nombreux points communs(Fig. IV-3 et IV-4). Il est probable que les équipes de compagnons qui se sont succédés à Vernouillet avaient été recrutés à l’intérieur du Domaine royal et avaient travaillé sur des chantiers plus importants probablement à Mantes, Saint-Denis ou Chartres.

La géométrie

Le plan

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Prenons le plan de l’église et mesurons le, non plus avec des mesures métriques mais avec celles de l’époque définies ci-dessus. Traçons les axes de la nef et du choeur.

Nous constatons que :

1. Les deux axes (celui de la nef et celui du choeur) se coupent à l'emplacement de la porte de la façade ouest initiale.

2. L'ordonnance circulaire :

Prenons un compas et traçons plusieurs cercles centrés au milieu de la croisée à la verticale du centre de la flèche. Traçons une série cercles concentriques dont les rayons sont dans les proportions du nombre d'or.

Nous constatons que le plan de l‘église est inscrit dans un cercle de 27 coudées de rayon à l’exception du transept sud qui est inscrit sur un cercle de rayon 27 pieds. Le cercle de rayon 27 empans englobe une travée du choeur et une de la nef. Il passe par la clef de voûte du transept nord. Le cercle de 27 palmes entoure le clocher à l'extérieur, celui de 27 paumes, à l'intérieur.

L’application de l’ordonnance circulaire peut expliquer l’inclinaison du mur du chevet et la présence de la niche. En examinant le plan, on constate que les points extérieurs du chevet comme ceux de la niche sont placés sur le cercle de 27 coudées.

3 La nef romane:

La largeur totale de la nef et celle du vaisseau central sont dans le rapport du nombre d’or. Il en est de même entre la largeur du vaisseau central et celui du bas-côté sud. De ce fait, le bas-côté nord est plus étroit que celui du sud.

Les 3 travées centrales sont des rectangles aux diagonales à 36° et 54° par rapport aux côtés.

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4. Le choeur gothique:

Le nouveau mur sud sert de plan de référence. L’axe passe par les points centraux des 3 travées. Le respect de l'ordonnance circulaire et du nouveau plan de référence a pour conséquence de donner au côté nord des travées une inclinaison irrégulière.

5. La partie nord.

Elle est sensiblement carrée et inscrite dans un cercle de 27 empans. Les angles extérieurs et l'angle extérieur de la chapelle nord-est s'inscrivent sur le cercle de rayon 27 coudées centré sur le clocher

6. La règle des 3 tables (Fig IV-7)

La tradition des compagnons bâtisseurs veut que 3 tables aient porté le Graal : une rectangulaire dans le rapport 1/2, une carrée et une ronde. Ces trois tables symboliques sont disposées de la manière suivante dans le plan des grandes cathédrales gothiques :

La table rectangulaire, symbole de la Cène, occupe le choeur.

La table carrée occupe la croisée : carré placé en diagonale par rapport aux piliers.

La table ronde occupe la nef. A la cathédrale Notre-Dame de Chartres, la table ronde est matérialisée par le labyrinthe[1].

Il était intéressant de chercher, à Vernouillet si le plan respectait cette règle des trois tables, sachant que le périmètre de celles-ci devait pouvoir être tracé avec la corde à 12 noeuds.

On constate qu’un rectangle de 8X16 coudées s'inscrit dans le choeur gothique.

Le carré de 12 coudées de côté (longueur d’une corde) se place sur les piliers de la croisée.

Enfin le cercle de 48 coudées de circonférence, dans la nef, est tangent au mur ouest et au carré tracé à la croisée.

Il est remarquable que le tracé des trois table n’est possible que si la table rectangulaire occupe la surface de la niche. Lors de la construction du choeur, les bâtisseurs avaient-ils prévu la construction de cette niche pour que la règle des 3 tables puisse s'appliquer ? Le nombre 24 (24 coudées de circonférence) est aussi on nombre symbolique (2X3X4). Il pourrait évoquer les 24 vieillards de l'Apocalypse.

7. Les piliers:

Mesurons les dimensions des divers piliers

Les piliers du vaisseau central de la nef comme du choeur ont un diamètre d'une coudée.

Les piliers des bas-côtés, partiellement encastrés ont un diamètre de 1 pied

Les petits piliers dans les angles nord-est et nord-ouest du transept sud ont un diamètre de 1 empan.

Les chapiteaux des colonnes du vaisseau central ont une coudée de haut. Le tailloir a une largeur correspondant à 1 coudée + 1 pied.

La hauteur totale d'une colonne du vaisseau central est de 7 fois son diamètre. Ces proportions sont celles des colonnes antiques de style toscan[2].

L'élévation

1. La nef (Fig.IV-8)

Les proportions largeur/hauteur, tant dans la nef que dans le choeur respectent la règle " ad quadratum.

Le rectangle d’or est la figure de base de l'élévation latérale. du vaisseau central(Fig. IV-9.).

Dans le bas-côté sud , on retrouve la règle "ad quadratum " et la construction d’un rectangle d’or encadrant la travée de la base des piliers aux sommets des chapiteaux (Fig. IV-9a ).

[1] Voir l'ouvrage de Louis Charpentier: Les mystères de la cathédrale de Chartres.1966

[2] Vitruve, op.cit.

[1] Viollet-le Duc op.cit. p.328

[2] René DEZ manuscrit "Regius" transcription en vers français. Ed. Trédaniel, sd

[3] Suger :  “ Comment fut construit Saint-Denis“  traduction de Jean Leclercq, éditions du Cerf, 1945.

4Michel Zehnacker: La cathédrale de Strasbourg, Robert Laffont, 1993.

[5] Vitruve , architecte contemporain de l’empereur Auguste a écrit un traité “ les dix livres d'architecture” . Ce traité, le seul que l'Antiquité nous ait légué, a été traduit par Claude Perrault, architecte de la colonnade du Louvre, An 1673. La phrase cités est issue de cet ouvrage (réédition en fac- simile de 1995)

[6] Bede (672-735) Bénédictin anglo-saxon, enterré à Durham, auteur  de plusieurs ouvrages ayant exercé une grande influence sur l'Occident Chrétien

[7] Jacques de Voragine(1230-1292) La légende dorée. Traduction de G.B. Ed. Rombaldi, 1942

[8] René DEZ, op cit.

[9] Henri Bilheust, l’art des bâtisseurs romans, Cahier de l’abbaye de Boscodon N°4

[10] Ce sont des tracés géométriques  qui ont défini ce nombre irrationnel correspondant à des proportions particulières.

[11] D'après  le Dictionnaire des Symbole de Jean Chevalier et Alain Gheebrant

[12] Suger , op.cit.

78 Michel Zehnacker, La cathédrale de Strasbourg.Ed. Robert Laffont, 1992