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D’Ermenonville à Vernouillet.

Le Marquis de Girardin (3ème partie)

Les illusions et désillusions d’un idéologue

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Ses idées sont généreuses, parfois utopiques. A l’aube de la Révolution il rêve de voir appliquer les théories de son cher Rousseau et s’en fait le défenseur éloquent. A Paris, au club des Jacobins et des Cordeliers, il prône la modération, refusant les changements brusques qui ne font que déplacer les abus. La guerre défensive lui paraît un brigandage. Il réclame une force publique et non une armée de caste. I veut soumettre toutes les lois à la ratification d’un plébiscite. Toujours sa politique se teinte de sentiment. Ainsi, à Ermenonville, en 1792, il donne dans son salon un bal pour le départ des engagés volontaires. L’invitation adressée aux demoiselles a couleur de madrigal : A la guerre, comme en amour, on peut ramasser des lauriers ; c’est le moyen de vous plaire, car les belles aiment les guerriers…

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Mais Girardin est suspecté : le ci-devant seigneur d’Ermenonville qui a eu autrefois un cercle d’amis occupés de sciences bizarres, trame des complots contre la république. Chez lui se cache une armée secrète prête à fondre sur la contrée… Au point qu’en septembre 1793, lui et sa femme sont emprisonnés et gardés à vue dans le château. Des fanatiques saccagent ses jardins, renversent les statues de ses poètes préférés, les prenant pour des tyrans étrangers. Il faut beaucoup de courage et de persévérance à sa fille Mme de Vassy, pour obtenir la libération de ses parents, le 22 thermidor an II (9 août 1794).

En même temps que Girardin, se sont trouvés détenus, à Ermenonville, Tautest et ses filles. Laroche notaire, régisseur et ami du châtelain de Vernouillet, de surplus maire très puissant d’une municipalité qu’il subjugue, entreprend, avec la fougue qui le caractérise, de les faire libérer. Il envoie à Ermenonville trois délégués porteurs d’une argumentation sans faille : il se porte garant du civisme du citoyen Tautest, autrefois Duplain. Sa douceur, sa générosité envers les pauvres sont bien connues, explique-t-il. Les vexations ministérielles et despotiques l’ont forcé à s’expatrier en 1786. La Révolution l’a rendu à la France, et sa présence est nécessaire à Vernouillet pour l’exécution des décrets relatifs à la suppression des droits et retraits féodaux. Ces allusions sont claires : dans le litige entre les deux châtelains, Mme de Sénozan a d’abord triomphé grâce à l’appui de Malesherbes, son frère, prétend Laroche. Alors Tautest a dû quitter la France, puis la Convention lui a donné raison, le reconnaissant propriétaire des biens dont il lui faut sans tarder prendre possession. Dernier argument de circonstance : Ce citoyen n’est pas de la caste nobiliaire puisqu’il a payé le droit de franc fief lors de l’acquisition de différents domaines de son habitation à Vernouillet en 1782. […] N’étant point ci-devant ni suspect, n’ayant pas de parents émigrés, le citoyen Tautest doit être relâché ainsi que ses filles. Conclusion immanquable…

Mais ni Collot d’Herbois, alors en mission dans l’Oise, ni le district de Senlis, ni le Comité de Sûreté générale de la Convention ne veulent prendre la responsabilité de cette libération.

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A la municipalité d’Ermenonville d’en décider. Sollicitée à nouveau par Laroche, elle s’y résout et Tautest et les siens rentrent à Vernouillet, le 11 septembre 1794. Girardin les y a précédés le 4ème jour complémentaire de l’an II (20 août 1794). Le ci-devant marquis en effet n’a plus le cœur d’habiter son domaine dévasté. Le compagnon des jours heureux Jean Antoine d’Hanneucourt, est mort à Ermenonville, le 19 mars 1791. Rousseau quittera bientôt l’île des Peupliers pour le Panthéon et vide restera son tombeau.

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Seule l’amitié peut sauver Girardin du désespoir. Il s’en vient demeurer au château de Vernouillet où se reconstitue très vite autour de lui la société d’Ermenonville. Arrivent aussi, en effet pour habiter dans la maison appartenante au citoyen Tautest, comme le prouvent les certificats de résidence, Anne Nicolas Doublet de Persan et sa sœur Anne Félicité, puis Madeleine Blémontis et son mari, Paul Gabriel Donat, ce même couple assurément que le rapport de police de 1785 orthographiait d’Aunat avec particule. L’abbé de Cartrie fera quelques séjours. Quant à Claire Clugny, épouse divorcée Lohéac, elle est, semble-t-il très attachée au groupe puisqu’elle sera enterrée à Vernouillet.